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Fukushima par Monique et Raymond SENÉ (gazette nucléaire 260)

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Fukushima a sonné l’alarme.

Fukushima est une vérification expérimentale de la loi de Murphy : Lorsque les choses vont mal, tout ce qui a une très faible probabilité de se produire, arrive !

Préambule

Toutes les agences, toutes les firmes se sont pincées pour être sûres de ne pas avoir mal entendu. « Le Japon »,  ce pays si fort en tout, venait de subir un accident type Tchernobyl soit avec diverses explosions et une sortie massives des contenus de 3 cœurs et de 4 piscines.

Impensable ! impossible !

Eh bien, un séisme de force 9 sur l’échelle de Richter et un tsunami (raz de marée) de 10 à 30 m a balayé la côte Pacifique à environ 200 km de Tokyo, rayé les villes et les villages de la carte. Au séisme, tout avait semblé résister (avec des dégâts mais on pouvait gérer) et la vague monstrueuse a déferlé, emportant tout sur son passage, faisant près de 20000 morts et disparus. Sur son passage se trouvait Fukushima 1 (6 réacteurs et une piscine d’entreposage de 6000 assemblages).

Tsunami_Fukushima_Daiichi

Tsunami_Fukushima_Daiichi

Il avait été signifié à TEPCO (l’opérateur) que la digue de protection était trop basse, que les diesels étaient insuffisamment testés (en plus ils étaient au sous-sol des bâtiments avec leurs cuves de carburants).

Alors le séisme a fait perdre l’alimentation électrique, mais les diesels et les batteries ont pris le relais. Arrive la vague : plus de source froide tout est bouché, détérioré.

La séquence impensable commence : il faut absolument refroidir et il n’y a plus de pompes donc plus d’eau de secours. On ne dispose que de quelques heures avant que le cœur se dénoie et que la réaction d’oxydation des gaines ne s’enclenche conduisant inéluctablement à la production d’hydrogène d’où des risques d’explosion et à une fonte des combustibles et des internes du cœur. Circonstance aggravante ( ?), les barres de contrôle sont injectées par le fond d’où même sans craquelures de l’acier les trous sont déjà présents.

Et le problème lié au non refroidissement et au manque de source électrique perdure depuis 2 mois (au moment où j’écris 11 mars-13 mai 2011) ET IL VA PERDURER UN TEMPS CERTAIN.

D’abord on va devoir refroidir, refroidir, puis d’ici 2,3,….jusqu’au moins 6 ans (expérience “Three Mile Island”), avant de pouvoir faire entrer un robot dans l’enceinte qui avait résisté à une explosion hydrogène, et encore 6/7 ans de plus pour commencer à décontaminer (toujours expérience TMI).

Et maintenant penchons-nous sur le problème des rejets : sans être comme à Tchernobyl (emballement de la réaction de fission, puis explosion canalisée par un tube de force, d’où montée jusqu’à 1,5 km d’altitude), le site de Fukushima avec 4 réacteurs en surchauffe risque de dépasser pour le site et ses alentours (jusqu’à 100 Km) les conséquences de Tchernobyl. N’oublions pas que 25 ans après, la Biélorussie, la Russie et l’Ukraine ont toujours des territoires contaminés sur lesquels il est préférable de ne pas vivre. Bien sûr certains habitants ont préféré revenir, mais cela ne diminue pas le danger : c’est juste leur choix parce que l’éloignement devenait insupportable

Les travailleurs :

Fukushima_Workers

Fukushima_Workers

Les travailleurs contaminés des installations nucléaire sont confrontés à des travaux où les règles de sûreté sont bafouées

Sur le site de Fukushima touché par un séisme suivi d’un tsunami, les règles de sûreté des travailleurs ont été élargies sans examen approfondi, obligeant les travailleurs à faire leurs travaux et à sortir sans être complètement décontaminés

Les travailleurs qui se sont battus pour que reprendre le contrôle du site de Fukushima 1 (opérateur TEPCO), ainsi que les experts expriment leurs préoccupations à propos d’un effet possible sur la santé.

Les niveaux de radiations dans les locaux de la centrale restent élevés, sachant que dans les ruines du réacteur 3, endommagé par une explosion hydrogène, on a atteint 900 milli sieverts/h.

Si un travailleur peut être exposé à plus que 1 milli sievert par jour dans une centrale nucléaire, les prescriptions de sûreté imposent que l’entrepreneur requis par la compagnie en charge de l’exploitation établisse un plan de travail spécifiant les niveaux de doses dans les locaux et délivre aux travailleurs un document signé. La compagnie en charge de l’exploitation garde une copie de ce document.

Certains entrepreneurs fournissent copie de ce document à leurs sous traitants comme permis d’effectuer les travaux.De fait les travailleurs ne sont pas suivis, ont des difficultés pour se décontaminer. Les fameux plans de travail ne sont pas élaborés. Il apparaît que à la fois TEPCO et les firmes sous-traitantes pensent qu’en cas d’accident il est normal d’être contaminé puisque l’environnement l’est.TEPCO certifie que les travailleurs présentant des contaminations ont toujours été décontaminés

L’environnement :

La mer et la terre sont contaminées à des niveaux assez importants, mais il faut attendre pour avoir des donnée fiables.

Pour le moment on a tout et son contraire (comme à Tchernobyl). A-t-on pris de bonne décisions en évacuant ? probablement. Par contre, celle du confinement se discute car on ne peut pas confiner pendant 15 jours dans un tel environnement : maisons détruites, ravitaillement difficile, eau potable absente, plus de chauffage, plus de secours…

Fukushima est un grave accident. Essayons au moins de tirer des enseignements pour nos propres réacteurs et surtout évitons comme tous nos « technolâtres » de vanter les mérites des réacteurs français.

Parlons technique

Cela commence par un tremblement de terre d’une intensité largement supérieure au dimensionnement des installations. Mais les mécanismes d’arrêt d’urgence fonctionnent, semble-t-il. Les lignes électriques sont tombées, Les diesels de secours prennent la relève … pas tous, il y a quelques désaffections

À ce moment-là, les opérateurs se croient sortis d’affaire.

Arrive la vague du tsunami.

Laissons au loin les controverses sur la hauteur de cette vague. Sa hauteur fut suffisante pour noyer les diesels, avec d’autant plus de facilité qu’ils étaient en sous-sol, ainsi que de très nombreuses armoires électriques, de très nombreux moteurs divers et variés, dont ceux des pompes qui avaient résisté au séisme. Et ici nous n’énumérons que ce qui est noyé et non ce qui est détruit.

Il est bien connu que lorsqu’un réacteur s’arrête, lorsque la réaction en chaîne est stoppée, les produits de fission continuent à se désintégrer produisant une quantité d’énergie qui, au moment de l’arrêt, est de l’ordre de 10% de la puissance nominale du réacteur … oui, mais de la puissance thermique, pas de la puissance électrique. Donc pour un réacteur produisant 500 MWé, cela fait 10% de 1500 Mth … 150MWth  … excusez du peu ! Après une journée d’arrêt cette puissance résiduelle tombe à environ 1%, puis au bout de quelques jours, nous sommes à 1‰, et comme c’est une décroissance exponentielle, il est bien connu que cela va rester longtemps, très longtemps dans cet ordre de grandeur … 1,5 MW.

Donc après un arrêt – ici d’urgence – il faut continuer à refroidir le coeur du réacteur. Pour cela il faut de l’eau, des pompes pour la faire circuler et de l’électricité pour les faire fonctionner. Les pompes étant hors service, les sources d’électricité également, il fallait trouver des moyens de fortune pour refroidir … pas seulement les coeurs des réacteurs 1, 2 et 3 (le 4 étant à l’arrêt et déchargé de son combustible), mais également les piscines destinées à refroidir les combustibles déchargés dans l’attente d’un futur transfert vers une autre piscine d’entreposage, également présente sur le site.

Toutes ces sources de chaleur continuant à produire, il fallait impérativement les refroidir sinon … il y avait un risque de dénoyage des combustibles, avec une montée en température telle que la réaction d’oxydation des gaines de Zirconium allait s’amorcer, produisant également un énorme dégagement de chaleur … et de l’hydrogène.

En vertu de la loi de Murphy, tout ceci se produisit, avec comme cerise sur le gâteau la combustion et/ou l’explosion de l’hydrogène.

Les piscines.

Diverses tentatives auront été faites pour déverser de l’eau dans les piscines : hélicoptères larguant d’une altitude  permettant la survie des pilotes, pompes de camions de pompiers, canons à eau de la police anti-émeute, et pour finir une pompe à béton de grande hauteur. Mais où prendre l’eau ? En mer semble le plus simple, vu la proximité. Ce sacré Murphy est encore passé par là. L’eau de mer contient du sel. C’est bien connu et Alphonse Allais nous a bien expliqué que si la mer est salée, c’est parce qu’elle contient des morues. Le sel, ce cher chlorure de sodium qui fait la fortune d’une grande partie du corps médical, a une fâcheuse tendance à attaquer les aciers (surtout le 304L, abondamment utilisé dans la cuve et ses annexes, et très sensible aux ions chlorure), les fragiliser et, lorsque l’eau salée rencontre une surface suffisamment chaude pour que l’eau s’évapore, il reste le sel qui va gainer les parties chaudes. C’est un bon isolant thermique, qui va également se déposer dans les vannes, soupapes et tous autres instruments que l’on souhaiterait pouvoir faire fonctionner dès qu’on aura du courant pour ce faire.

Résultat de l’exercice, nous avons eu des incendies des piscines de combustible.

Les coeurs.

Pour les coeurs, le problème est encore plus délicat. Il n’y a plus de moyen pour y envoyer de l’eau. Donc la pression monte, et suite au dénoyage du combustible, il y a production d’hydrogène. TEPCO nous dit avoir fait chuter la pression en faisant des largages. Par où ? Un schéma fourni par AREVA explique que ce largage débouche … dans la zone supérieure du bâtiment réacteur, justement la zone où se trouvent les piscines. Cette explication nous paraît stupide car nous avons du mal à imaginer qu’un esprit tordu d’ingénieur va expédier un mélange de gaz explosif dans une enceinte fermée. Cela risquerait d’exploser en endommageant gravement le bâtiment.

C’est pourtant ce qui s’est produit. Donc une autre hypothèse simpliste serait qu’il y a eu rupture d’une ou plusieurs des nombreuses canalisations qui sortent de la cuve du réacteur, puis traversent le béton de l’enceinte de confinement pour rejoindre divers auxiliaires et le groupe turboalternateur … ce qui pourrait expliquer l’abondante présence d’eau chargée de produits de fission dans ces bâtiments.

Mais les coeurs des 3 réacteurs, partiellement dénoyés, ont commencé à fondre. De toute façon, lorsque l’oxydation des gaines est démarrée, celles-ci perdent leur tenue mécanique et ne résistent pas à la pression interne qu’exercent les gaz de fissions et les produits de fission volatils (Iode, Césium, …). D’où une dispersion des pastilles de combustible avant même qu’elles commencent à fondre.

Des informations récentes concernant le réacteur n° 1 nous ont appris que la mesure du niveau d’eau dans la cuve, dont l’estimation donnait un faible dénoyage du combustible … était coincée à la valeur mesurée au moment du séisme. Sacré Murphy, encore lui. Cela nous rappelle TMI où les opérateurs se fiaient à l’indication d’un voyant disant que la soupape responsable de la chute de pression était bien fermée … alors que le voyant indiquait que l’ordre de fermeture avait bien été envoyé, sans se soucier du fait que la dite soupape était bloquée en position ouverte. Après avoir envoyé des agents réparer la chose – question angoissante : à quel endroit ont-ils du aller pour faire leur bricolage et quelles doses ont-ils prises ? – il a bien fallu se faire à l’idée que le coeur était complètement dénoyé, donc fondu

Il semble bien que la cuve du réacteur numéro 2 se soit percée. La pression dans les BWR étant plus faible que dans les PWR*, l’épaisseur de leurs cuves est plus faible. De plus les BWR ont la caractéristique d’avoir une injection des barres de contrôle par le fond de cuve. Ce qui donne une zone plus fragile. Rappelons que dans un BWR, la vapeur produite dans le coeur du réacteur est directement turbinée. Il n’y a pas un circuit secondaire comme dans les PWR. Aussi, tout le dispositif qui constitue le haut des générateurs de vapeur des PWR se retrouve dans la partie haute de la cuve du BWR.

Pour le réacteur numéro 3, l’analyse des images vidéo de l’explosion du lundi 14 mars, nous fait remarquer un puissant jet vertical, à l’apparence cylindrique, d’une inquiétante couleur noire.

Si on étudie les schémas de cette machine (l’excellent dessin de Nuclear Engenering International) on constate que l’enceinte de confinement (dry well) se termine en haut par des parois mobiles, afin de permettre le déchargement du coeur. Ceci explique la présence de la piscine dans la zone supérieure de bâtiment, directement accessible après noyage de haut de cette enceinte. Cette zone de l’enceinte de confinement semble donc plus fragile.

Une explosion hydrogène n’y avait d’autre exutoire que le haut et cette enceinte se comporte comme le fût d’un canon. Cela nous rappelle Tchernobyl. Lorsque les combustibles de certains canaux étaient devenus sur critique, la structure de graphite s’était comportée comme autant de tubes de lance rocket par où des éléments combustibles ont été éjectés, perforant la dalle supérieure épaisse de plusieurs mètres.

Il semble bien que ce jet puissant vu sur les vidéos soit le résultat d’une explosion de l’hydrogène contenu dans l’enceinte. Une autre caractéristique de la structure de ce réacteur peut avoir facilité cette explosion. Le tore situé en bas de l’enceinte de confinement (wet well) a pour finalité de condenser la vapeur d’eau qui se serait rassemblée dans l’enceinte. Ce faisant, en faisant chuter la concentration en vapeur d’eau du mélange hydrogène – vapeur d’eau, il  améliore les conditions d’explosivité de l’hydrogène.

Quant au réacteur numéro 4, qui avait la chance d’être déchargé, sa piscine contenait

1 – le coeur fraîchement déchargé, c’est-à-dire dans l’hypothèse d’un renouvellement par tiers : un tiers avec un an de combustion, en second tiers avec deux ans de combustion et un troisième tiers avec trois ans de combustion … et les produits de fission correspondants

2 – les éléments combustibles neufs pour renouveler le tiers « sortant »

3 – le coeur précédent en cours de refroidissement

Tout cela faisait beaucoup de monde et le manque de refroidissement a conduit à un incendie dévastateur dont le résultat est bien visible sur les photos.

Qu’en est-il aujourd’hui ?

Tout d’abord, de l’eau douce a été substituée à l’eau de mer, avec l’espoir que les dépôts de sel voudront bien fondre.

Puis les « secouristes » continuent à alimenter abondamment en eau les piscines, ce qui donne à penser qu’elles fuient.

D’après les communiqués de Tepco ou des officiels japonais, ils parviennent à envoyer de l’eau dans l’enceinte de confinement et/ou dans la cuve du réacteur. Là aussi, le niveau reste quasi stable. Mais si on se souvient bien des problèmes de baignoire de notre jeunesse, si le robinet de remplissage est ouvert et si la baignoire ne déborde pas, c’est que la bonde est ouverte !

Dans un communiqué TEPCo nous indique qu’ils ont envoyé dans le n° 1 10 000 m3 d’eau, pour un volume de la            cuve de l’ordre de 300 m3 et un volume d’enceinte de confinement de l’ordre de 7 000 m3

Ceci expliquerait les quantités énormes d’eau se trouvant dans les locaux des groupes turbo alternateurs

Quels sont les niveaux de fusion des coeurs ?

Les chiffres « officiels » qui circulent sont des approximations « au doigt mouillé » compte tenu de la perte de la quasi-totalité de l’instrumentation des réacteurs. À TMI, on n’a pu avoir une idée précise du niveau de fusion qu’environ 6 ans après l’accident.

Le rapport du 11 mai est assez éloquent sur ce sujet : il a fallu attendre l’entrée de travailleurs dans le réacteurs 1 pour apprendre que les jauges de niveau d’eau ne donnaient pas de bonnes valeurs depuis le 11 mars. En conséquence il est à peu près certain que le combustible a fondu et qu’il est probablement sorti de la cuve du n°1.

Mais, il semble surtout que les autres coeurs ne soient pas totalement calmés. Dans un premier temps, on a appris que des bouffées de neutrons avaient été détectées à la limite du périmètre de sécurité du site. Plus récemment, on a également appris que de l’iode131 était de nouveau mesurée dans l’environnement. Plus d’un mois après l’arrêt des réactions en chaîne, trouver des radioéléments de période courte semble aussi signifier que, de temps à autre, un coeur, ou du moins le magma informe qui en reste, se retrouve dans une configuration critique, diverge, et en raison du dégagement d’énergie se disperse suffisamment pour redevenir sous critique.

Ceci provoquerait, en plus des bouffées de neutrons, des rejets de produits de fission de courte période.

Il y a une autre hypothèse pour les bouffées de neutrons. Le réacteur numéro 4 était arrêté, en phase de rechargement. Sa piscine combustible contenait un coeur en cours de refroidissement, le coeur qui venait d’être déchargé et le combustible neuf destiné à remplacer le tiers arrivé en fin de course. Le contenu de cette piscine qui dégageait une puissance thermique colossale, a joyeusement pris feu, détruisant sa structure mécanique destinée à assurer des conditions de stockage du combustible neuf dans une géométrie sous critique … Les bouffées de neutrons détectées à la limite du site, les neutrons ont la mauvaise habitude de se livrer à de facétieuses réflexions sur l’air qui produisent ce que les spécialistes appellent l’effet de ciel ainsi que l’iode 131 détecté récemment, semblent bien signer ces bouffées de criticité survenant deux mois après le début de l’anecdote. Si on tiens compte de la remarque de Claude Allègre qui rappelle dans son récent ouvrage  « Faut-il avoir peur du nucléaire ? » :“le goût du sensationnel n’autorise pas à massacrer la langue française ! Il faut savoir distinguer entre incident, accident, catastrophe et désastre”, on peut conclure: Fukushima est une catastrophe et un désastre!

  • BWR= réacteur à eau bouillante ( utilisé dans le parc nucléaire japonais)

gazettenucleaire.org/~resosol/InfoNuc/IN_DI.html

  • PWR= réacteur à eau pressurisé (utilisé massivement en France)

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